Liberale Da Verona


Liberale Da Verona

Liberale da Verona (1445-1527) était un enlumineur et un peintre de la première renaissance italienne, actif à Sienna et à Verona.

 Le  tableau ci-joint,de 1475, détrempe sur bois  accrochée au metropolitan museum de New-York, a attiré mon regard. Il se nomme: " les joueurs d'échecs". Du moins l''appelle-t-on ainsi, car l'échiquier est bizarrement  composé de 14 cases d'un côté et de 8 de l'autre, ce qui ne correspond  pas à ce jeu ni au jeu de dames.
Il oppose un homme et une femme, ce qui est inhabituel aux échecs. Derrière chaque joueur se tiennent debout les supporters, les femmes avec la femme, les hommes derrière l'homme, comme l'opposition de deux équipes; deux équipes de genre, situation curieuse (déjà représentation sociale?).
Les personnages sont disposés devant un mur de briques. Ils semblent quelque peu collés au mur comme de simples icônes, des sculptures plates, les équipiers apparaissent même un peu figés. Le mur est cependant traité avec la juxtaposition de deux rouges (un froid, un chaud) , celui des briques et celui de la fenêtre repris dans le rouge de l'échiquier, et de certains vêtements, ce qui contribue déjà à faire vibrer un peu l'ensemble et à avancer la scène vers le spectateur , à la séparer du fond.
Le joueur d'échecs est statique, lui aussi;  il s'individualise  du groupe des hommes par sa position assise,et est présenté  sur son coussin dans une pose statuaire comme sur un socle. Quant à la joueuse, qui elle au contraire apparait très vivante,et la figure la plus animée du tableau, avec son visage langoureux, elle saisit,  caresse le bras du joueur comme si elle voulait lui conférer un peu de vie de mouvement de sensibilité.Elle cherche à lui faire oublier son socle, son immobilité de cire. Loin d'être une adversaire, elle est engagée dans une tendre guerre. L'utilisation là aussi de deux tons ocres (un froid, un chaud) alternant sur les vêtements et sur le sol donne un peu plus de vie à la scène.

En opposition à la pièce où est stué tout ce monde et où dominent les rouges les ocres  les beiges, les verts du pilier et du paysage forment un contraste tranchant. Ils s'opposent eux même par un vide, la fenêtre-trou dans le mur (la toile?), et un volume, un plein, le pilier; ce volume en avant est d'ailleurs bien plus prononcé que celui des corps, le regard le heurte pour saisir l'image. Ces verts, éléments fondamentaux du tableau affirment l'intention du peintre .Ils créent la perspective et le point de vue individuel .
Ils ont surtout l'ambition de donner vie, volume et présence aux corps en les séparant de la statuaire , de l'icône, du mur. Toute la renaissance émerge ici, à travers un joli récit contant l'éveil des sentiments.